La Grande Loge Nationale Française (GLNF) a publié sur sa page facebook officielle le discours le discours de John Hamill, Grand Chancelier Adjoint de la Grande Loge Unie d’Angleterre (GLUA) à l’occasion du 300° anniversaire de la création de la Franc-Maçonnerie Moderne :
1717 – Création et Fondation : John Hamill à propos du tricentenaire de la Franc-Maçonnerie
BULLETIN TRIMESTRIEL 14 Juin 2017Allocution du TRF John Hamill, Grand Chancelier Adjoint
Mes Frères, lors d’une agape il y a voici un an, la discussion tomba sur la notion d’espace-temps, et s’il eut été possible de voyager dans le temps, de choisir l’époque à laquelle nous désirerions retourner.
J’ai dit que, du fait de mes engagements, j’aurais souhaité me rendre un certain jour, à un certain lieu de Londres, afin de rencontrer et questionner un groupe d’individus bien particulier, et même d’en ramener quelques-uns avec moi pour contempler ensemble ce à quoi ils avaient donné naissance ce jour là.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que la date retenue fut celle de la fête de St Jean le Baptiste, en l’occurrence le 24 juin de l’année 1717, et que le lieu en question n’était autre que la taverne de l’Oie et du Gril (The Goose and Gridiron) dans l’enclos Saint Paul.
Comme chacun sait, les représentants des quatre loges londoniennes se seraient rassemblés pour désigner un Grand Maître et les Surveillants, afin de ‘raviver’ la Tenue annuelle ainsi que les communications trimestrielles, lesquelles seraient tombées en désuétude à cause de la négligence de Monsieur Christopher Wren, alors Grand Maître. Mais nous savons aujourd’hui que cette explication repose sur une pieuse fiction, car il n’y a aucune preuve de l’existence de quelque loge ni de quelque Grand Maître avant 1717.
Avec le recul, la réunion du 24 juin 1717 est pour nous un événement historique important – mais replacée dans le contexte de l’époque, la réunion se présente bien différemment. L’un des problèmes qui se pose lorsque l’on parle de 1717 et des balbutiements de la Grande Loge est l’absence de faits concrets sur lesquels travailler.
Ce n’est pas avant 1723, lors de la nomination de William Cowper, greffier au Parlement, en tant que Secrétaire de la Grande Loge, qu’une mémoire des faits se développa.
Des quatre loges qui désignèrent le Grand Maître en 1717, trois sont toujours en activité aujourd’hui – the Lodge of Antiquity, the Royal Somerset House and Inverness Lodge et the Lodge of Fortitude and Old Cumberland – mais les comptes rendus ont depuis longtemps été perdus, si bien qu’à l’exception de la désignation des Grands Maîtres et des surveillants, il était impossible pour les loges d’établir rétrospectivement leur composition des années 1717 à 1725, ni de satisfaire à la demande de la Grande Loge qui aurait souhaité connaître les membres effectivement présents le 24 juin 1717.
On peut alors raisonnablement avancer que cette réunion ne consistait pas en une importante assemblée. The Goose and Gridiron s’est maintenu jusque dans les années 1890, et juste avant sa destruction, un historien maçon en a croqué un dessin, prenant en outre les mesures de la pièce principale où fut créée la Grande Loge. Or ladite pièce aurait pu contenir moins de cent personnes, et encore bien serrées entre elles !
Notre première source d’informations concernant l’aube de la Grande Loge est son histoire relatée par James Anderson au nom de la Grande Loge dans sa préface des «Règles gouvernant la Franc-Maçonnerie », incluse dans la seconde édition des Constitutions d’Anderson, de 1738. Parce que le récit d’Anderson antérieur à 1717 est peu crédible à plusieurs égards, des historiens ont jeté le doute sur le reste du témoignage décrivant la Grande Loge de 1717 à 1738. Or ces derniers oublient que pour produire un tel tracé, Anderson avait nécessairement dû obtenir l’aval de la Grande Loge, impliquant le contrôle étroit du Comité avant la publication.
De plus, toute information erronée glissée dans les écrits de 1738, soit vingt ans après l’événement relaté, était facilement détectable par la relecture d’autres contemporains de 1717 toujours bien vivants, que l’on pense à John Theophilus Desaguliers, Grand Maître en 1719 et ultérieurement Député Grand Maître en 1722, 1723, 1725.
D’après le récit d’Anderson, la Grande Loge se réunissait à ses débuts que pour l’assemblée annuelle et la Tenue afin de procéder à la désignation du Grand Maître et des Surveillants. D’après deux autres sources, on a pu déduire que la Grande Loge jouait le rôle de corps régulateur en 1720. Les éditions de 1723 et 1738 des Constitutions d’Anderson décrivent les modalités de formation d’une nouvelle Loge au temps du Grand Maître George Payne, en 1720. Un livre maçonnique très rare intitulé « Le livre M ou la Maçonnerie triomphante », publié par le Frère Leonard Umphreville à Newcastle en 1736, comporte un rapport sur la réunion de la Grande Loge en 1720 dans lequel le Code of Rules for the government of the Craft, compilé par le Grand Maître George Payne, fut adopté. Ce rapport fut ensuite complété par la Règle en 39 points qui constitua le fondement des Règles imprimées dans la première édition des Constitutions d’Anderson,1723.
D’aucuns ont exprimé leur doute en soulignant l’absence d’articles de presse relatant l’événement de 1717, mais celui qui parle ainsi regarde le passé avec les yeux neufs du présent.
En 1717, la Franc-Maçonnerie était globalement inconnue. La fin du XVIIè et le XVIIIè siècle est l’âge d’or des sociétés et clubs. Nombre de ces groupements se réunissaient dans des tavernes, consolidant ainsi l’expansion de réseaux de cafés branchés à Londres et à Westminster.
Pour peu qu’on l’ait remarquée, la création de la Grande Loge ressemblait à celle de n’importe quelle autre association. Ce n’est pas avant le début des années 1720, lorsque le Grand Maître George Payne et le Dr Desaguliers commencèrent à attraire à la maçonnerie des profils issus de la noblesse ou de la royauté, que la presse manifesta son intérêt pour les initiations de notoriété publique et les Tenues annuelles de la Grande Loge.
C’est à partir de 1723 que la Grande Loge s’érigea pleinement en instance régulatrice telle que nous la connaissons aujourd’hui. Cette même année, la Grande Loge a dépassé sa fonction première de sauvegarde des Communications trimestrielles et de publication des Constitutions d’Anderson, pour étendre son autorité à d’autres Loges indépendantes hors de Londres et Westminster, qui se réunissaient discrètement dans les provinces du Nord.
Les Règles établies par George Payne en 1720, publiées dans les Constitutions d’Anderson en 1723, introduisent le concept de régularité. Est énoncé qu’aucune Loge n’est réputée régulière si elle n’a pas été constituée par le Grand Maître en personne ou par l’un de ses représentants régulièrement mandaté.
Lors d’une conférence organisée en septembre par notre prestigieuse Loge de Recherche, Quatuor Coronati Lodge No. 2076, au Queen’s College de l’Université de Cambridge, deux universitaires ont publié un article suggérant que nous célébrions la création de la Grande Loge quatre années trop en avance, remettant ainsi en cause la rencontre de 1717.
Après avoir minutieusement étudié leur document, voici ma réponse que j’exprimerais dans un anglais vieux jeu : quelle Foutaise ! En effet, leur thèse semble se résumer à un raisonnement purement académique qui tente de deviner la structure de la Grande Loge par une simple analyse sémantique.
Ils arguent que la Grande Loge n’avait pas la qualité de loge régulatrice avant 1721, à défaut de preuve contraire. A leurs yeux, il est plus qu’improbable que Anthony Sayer, Capt John Elliot et Jacob Lamball furent respectivement nommés Grand Maître, Premier et Second Surveillant – Grands Officiers – lors de la Tenue du 24 juin 1717.
Les universitaires croient que telle Athéna sortant toute armée du front de Jupiter, la Grande Loge aurait dû dès sa naissance, en 1717, endosser ipso jure son rôle régulateur.
Mais la vie fonctionne rarement comme cela !
A propos du voyage dans le temps, j’ai dit que je souhaitais ramener quelques-uns des Frères qui furent présents à la réunion de 1717. Même dans leur imagination la plus débridée, ils n’auraient pu concevoir un seul instant la portée de ce qu’ils venaient d’initier : une fraternité universelle de Francs-Maçons réguliers répandus sur toute la surface de la terre.
Certains éléments de nos rites actuels leur sembleraient certainement familiers, mais d’autres leur apparaîtraient sans doute bien différents. Pendant plus de 300 ans, la Franc-Maçonnerie s’est répandue par des voies insoupçonnées. Pendant plus de 300 ans, la Franc-Maçonnerie anglaise a démontré totalement sa capacité d’adaptation, n’hésitant pas à remodeler ses formes extérieures pour coller au mieux à la société dans laquelle elle évolue. Elle a cette capacité si merveilleuse d’opérer des changements sans jamais pourtant fragiliser ses principes fondamentaux et inaliénables, ni ses tenants. Ceux-ci constituent l’essence de la Franc-Maçonnerie et seraient à coup sûr identifiables par les Frères fondateurs de 1717.
Plus j’étudie notre ancien Art, et plus je me dis que peu importe les difficultés que nous sommes susceptibles de rencontrer de temps à autres. Pourvu que l’on sache entretenir ce subtil équilibre entre innovation maîtrisée et principes sauvegardés, la Franc-Maçonnerie perdurera. Les générations à venir jouiront de la fraternité initiatique et de ses bienfaits, comme nous-mêmes et moultes générations qui nous ont précédés, depuis ce jour heureux de 1717 où naquit la Grande Loge.
John Hamill
Le Grand Maître de la GLUA aurait-il oublié ce que disait son lointain prédécesseur, Laurence Dermott, Premier GM de la Grande Loge des Anciens dans la préface d’Hariman Rezon, ouvrant la 3ème réédition de son ouvrage de référence en 1778?
« Lors de l’année 1717, quelques joyeux compagnons qui n’avaient passé que par un seul grade de la Confrérie, …, résolurent de former une loge pour rechercher, en se communiquant entre eux, ce qui leur avaient été autrefois enseigné ; Se proposant d’y substituer, quand la mémoire leur manquerait quelques autres innovations ce qui à l’avenir devait passer pour de la Maçonnerie. »
Ces « joyeux compagnons » étaient, Desaguliers, Gofton, King, Calvert, Lumley, Madden, de Noyer et Vraden, selon la citation que Dermott fit des propos du Frère Thomas Grinsell, tenus en 1753 . Mais ce frère ajoutait, prenant justement le contre-pied de Dermott, que « c’étaient des hommes ingénieux auxquels le monde était redevable de l’invention de la maçonnerie moderne » .
C’était certes pour s’en moquer, mais se moquer de quelque chose en atteste l’existence.
On pourrait aussi citer Berman et aussi Achille Ricker: « Parmi les hommes qui sont là, autour du nouveau Grand Maître, figurent en fait tous ceux qui sont en fait les fondateurs connus de la Franc-Maçonnerie nouvelle : Le pasteur (sic) Jean-Théophile Desaguliers, James Anderson, George Payne, Jacob Lamball, King, Calvert, Lumley, Goston Madden, Cordwell, Ware, Joseph Elliot, Joshua Timson. Un seul parmi eux est un homme du métier, le Maître charpentier Jacob Lamball. »