Le petit exercice de « 3 petites questions » se poursuit avec Xavier Tacchella, dont le dernier ouvrage est La signification des mots hébreux en Franc-Maçonnerie : Mémento pratique
Je vous livre les réponses de Xavier Tacchella aux 3 questions suivantes : Si la Franc-Maçonnerie n’existait pas… quel chemin initiatique auriez vous emprunté ? 2 –La Franc-maçonnerie est-elle au crépuscule de sa mission ? 3- En maçonnerie, votre « Madeleine de Proust »…. quelle est elle ?
1 – Si la Franc-Maçonnerie n’existait pas… quel chemin initiatique auriez vous emprunté ?
— Si je l’avais connu plus tôt, j’aurais choisi le compagnonnage. Sinon je pense que j’aurais cédé à l’attrait de l’alchimie. L’étude de la kabbale est intéressante mais je pense qu’il n’y a que pour les juifs pratiquants qu’elle peut devenir un chemin initiatique.
2 – La Franc-maçonnerie est-elle au crépuscule de sa mission ?
— Non, je ne crois pas, bien au contraire. La Franc-Maçonnerie est un idéal qui reste à construire : la société de Frères. Par contre le système obédientiel est en bout de course et doit absolument se réformer si on ne veut pas qu’elles entraînent comme je l’explique dans un livre que je viens de sortir « La Franc-Maçonnerie de demain » (disponible surlulu.com/spotlight/tacchella ) : « Comment une institution qui attirait toute la cour, vers qui se tournaient toutes les lumières du siècle, qui a vu sur ses colonnes s’inscrire les noms les plus célèbres… a-t-elle pu devenir dans l’esprit des gens un bourbier d’infâmes affairistes, à tel point que son nom, Maçonnerie, est devenu synonyme de Mafia?
Voilà trente ans, déjà, que j’ai découvert ce que je considère toujours comme le plus bel idéal qu’un homme puisse décider de suivre. J’ai rencontré des hommes et des femmes extraordinaires que je n’aurais jamais pu découvrir autrement. J’ai vécu des moments de fraternité intenses…
Mais en trente années, j’ai vu aussi ce qui ne devrait pas exister. Pourquoi en parler aujourd’hui ? Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Simplement parce que je trouve que cela s’accélère ! La Franc-Maçonnerie est à l’image de la Société. Si dans celle-ci les valeurs se perdent, si on ne sait plus respecter les anciens, si on se refuse à obéir, si on cède à la violence, si on se complaît dans l’ignorance, les dérives verbales… on voit peu à peu apparaître ces dérives au sein des Loges. Des Maçons qui ne peuvent pas rester le temps d’une Tenue sans discuter avec leur voisin ; des Frères ou des Sœurs avachis sur leur siège ; des déplacements rythmés par le claquement des talons ; des pavés mosaïques sur lesquels on marche ; des catéchismes qui ne sont plus appris ; des symboles que l’on délaisse ; des tapis de loge qui se « simplifient »… on pourrait continuer ainsi longtemps, la liste des dérives est loin d’être exhaustive, malheureusement.
Des voix s’élèvent, des remous se font sentir dans toutes les obédiences, les Loges indépendantes, dites sauvages, libérées de toute contingence obédientielle, sont de plus en plus nombreuses, de nouvelles obédiences apparaissent, l’heure est venue de faire marcher nos cellules grises non seulement sur nous mais surtout pour revoir et améliorer notre mode de fonctionnement…
« Parmi les Maçons, s’il est une majorité d’hommes ayant acquis la quantité de sagesse qui convient à la qualité de Maçon, et aussi le sens de la discipline que commande l’intérêt de l’Ordre, il en est – en bon nombre tout de même – qui n’ont pas dépouillé l’homme ordinaire en eux et conçoivent des ambitions, parce qu’ils ont une idée trop favorable d’eux-mêmes, ou même, plus simplement, parce qu’ils ont le désir des honneurs et celui de porter des insignes qui les différencient des autres. » (Charles Riandey, Confession d’un Grand Commandeur de la Franc-Maçonnerie, Editions du Rocher, 1989)
Il faut, à ceci, ajouter que certains se plaisent à augmenter le nombre de « distinctions » afin de se lier les bonnes grâces des Maçons qu’ils honorent. Je n’insiste pas dessus car on y reviendra plus loin… mais avouons-le, c’est d’un ridicule! »
Si au 18e siècle les obédiences furent une nécessité pour que la maçonnerie perdure, aujourd’hui elles n’ont plus de raison d’être. Plus une obédience aura de membres, plus elle aura besoin d’une structure lourde, avec des permanents salariés et des frais de « représentation » lourds (allumage de feux à l’autre bout du territoire…) ; Les capitations déjà très lourdes rendront l’appartenance impossible pour la majorité. La FM ne sera plus réservée qu’à une élite financière. Déjà aujourd’hui beaucoup de profanes ne peuvent pas se payer le luxe d’être maçons, tout comme beaucoup de maçons ne peuvent devenir Vénérables,,,
Les obédiences ont perverti l’appartenance maçonnique : on ne tuile plus, on justifie de son état de maçon en présentant une carte d’identité maçonnique portant un sceau prouvant qu’on a bien payé !
Avoir abandonné le tuilage a entraîné l’abolition de la nécessité de connaître son catéchisme, résultat les Frères ne comprennent plus rien aux symboles,,, Combien de Frères sont persuadés se réunir dans le Temple ! Alors que les Colonnes, les luminaires, la voûte étoilée, le pavé mosaïque…, tout nous que nous sommes à l’extérieur, sur les parvis, et que c’est lorsque nous sortons de la Loge que nous entrons dans le Temple.
Non, la FM n’en est pas au crépuscule de sa mission : tout reste à faire !
3- En maçonnerie votre « Madeleine de Proust »…. quelle est elle ?
L’entrée de l’impétrant dans la Loge. Je ne peux pas voir ce moment sans me rappeler la sensation d’abandon que j’ai eu ce jour-là, Pour la première fois, je lâchais prise. Je ne dépendais plus que de celui qui me guidait.
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