À L’OCCASION DE LA FÊTE NATIONALE FRANÇAISE, NOUS REVENONS SUR L’HISTOIRE DES SYMBOLES ET EMBLÈMES DE LA RÉPUBLIQUE. COMMENT SONT-ILS APPARUS ? QUELLE PLACE OCCUPENT-ILS AUJOURD’HUI DANS NOTRE QUOTIDIEN ? QUELLES SONT LEURS ÉVOLUTIONS RESPECTIVES ?
14 JUILLET, LES SYMBOLES DE NOTRE RÉPUBLIQUE – un article de Trait-d’Union, le journal des français d’Argentine
NB : dans cet article, les symboles évoqués ne sont pas présentés par ordre d’importance. De même, par choix, certains symboles et emblèmes ne seront pas mentionnés.
L’emblème national : le drapeau tricolore
Les trois couleurs nationales sont apparues pour la première fois le 17 juillet 1789. Avant d’être un drapeau, le tricolore fut cocarde – cocarde offerte par La Fayette à Louis XVI. Le blanc représentait la monarchie, tandis que le bleu et le rouge reprenaient les couleurs de la ville de Paris, signe, selon le maire de la ville, de “l’alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple”. La cocarde devient à cet instant, symbole de patriotisme. À noter, le sens vertical des bandes permettait de le distinguer du drapeau néerlandais dont les couleurs rouge, blanc, bleu sont disposées à l’horizontale. Finalement, le drapeau français ne prit sa forme définitive que le 15 février 1794 lorsque la convention nationale décréta que le pavillon national “sera formé des trois couleurs nationales, disposées en bandes verticalement, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant dans les airs”. Cependant, notre drapeau fut menacé à plusieurs reprises… Il perdit son bleu et son rouge lors du retour de la monarchie de 1814 à 1830, qui ne garda que le blanc royal. Reprenant ses couleurs à l’occasion des Trois glorieuses, Louis-Philippe en acceptant son retour, proclame que “la nation reprenait ses couleurs”. Le drapeau se trouve de nouveau menacé, lors de la proclamation de la République, le 25 février 1848, les insurgés désirant un drapeau totalement rouge. Toutefois, il est aujourd’hui le seul emblème national que définit l’article 2 de la constitution de la cinquième république alliant le bleu, le blanc et le rouge à la verticale.
L’hymne national : la Marseillaise
La Marseillaise a été composée par Claude-Joseph Rouget de Lisle (capitaine du génie sous la Révolution) à Strasbourg dans la nuit du 25 au 26 avril suite à la déclaration de guerre du roi d’Autriche. Intitulé “chant de guerre pour l’armée du Rhin”, l’hymne fut d’abord diffusé en Alsace avant d’être repris par de nombreux éditeurs parisiens. Fredonné par plusieurs troupes de fédérés à travers le pays, ce chant se retrouve du côté de Montpellier, puis de Marseille.
À ce moment, il est récupéré par les volontaires marseillais qui s’apprêtent à rallier Paris pour soutenir les révolutionnaires qui s’y trouvent. C’est ainsi qu’ils chantent, au moment de leur entrée dans Paris – le 30 juillet 1792 – cette chanson qu’ils ont rebaptisée “Chant de guerre des armées aux frontières”. Pour les Parisiens, cet hymne guerrier devient l’hymne des Marseillais, puis la Marseillaise, proclamé chant national le 14 juillet 1795. Interdite sous l’Empire et la Restauration, la Marseillaise reprit sa place lors de la Révolution de 1830. Puis, la IIIème République le choisit en 1879 comme hymne national, sans pour autant définir d’harmonisation officielle (ce qui fera débat par la suite). En septembre 1944, une circulaire du ministère de l’Éducation nationale présenta le souhait de faire chanter la Marseillaise dans les écoles afin de “célébrer notre libération et nos martyrs”. Son caractère d’hymne national fut affirmé de nouveau dans l’article 2 des constitutions de 1946 et de 1958. Le “tempo” varia au cours des années : interprétée un peu plus “allegro” au XXème siècle que dans sa composition d’origine, elle passa légèrement en “moderato” avec Valéry Giscard d’Estaing avant de repartir sur un rythme “allegro” avec son successeur, François Mitterrand. Plus généralement, l’histoire a fait de ce chant de guerre révolutionnaire un hymne national aux teintes de liberté qui accompagne aujourd’hui la plupart des manifestations officielles.
Cependant, la connotation guerrière et parfois mal comprise des vers de l’auteur de la Marseillaise ne font plus forcément l’unanimité. En 1992, l’Abbé Pierre pensait alors : “Changeons en message d’amour, les paroles de haine de la Marseillaise”, idée par ailleurs soutenue par d’autres personnalités telles que Charles Aznavour ou Danielle Mitterrand. Toutefois, modifier ou remplacer l’hymne nationale impliquerait probablement de réviser la Constitution. Par ailleurs, l’attachement historique des Français à la Révolution rend peu probable la perspective d’une potentielle modification de notre chant national.
L’allégorie : Marianne
Marianne incarne la République. Elle est au départ le symbole d’une société secrète républicaine, née sous la IIème République en opposition à Louis-Napoléon Bonaparte, alors chef d’État, et cherchant à renverser le second Empire. Marianne s’impose alors comme l’effigie de la République à partir des années 1880. Son bonnet phrygien fait écho à celui porté par les esclaves affranchis en Grèce et à Rome et repris par les révolutionnaires venus du Midi comme emblème de liberté. Au fil des années, Marianne prend le visage des Françaises de son temps, Michèle Morgan, Brigitte Bardot, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, Inès de la Fressange, Laetitia Casta, Evelyne Thomas. Elle orne les timbres-poste, inspire les artistes, et incarne aux yeux de tous la beauté et la vitalité de la République éternelle. Elle est aujourd’hui encore le symbole de la République, visible dans chaque mairie à côté du portrait du chef de l’État. Pour chaque mandat présidentiel, Marianne change de style. Sous Emmanuel Macron, c’est “Marianne l’engagée” qui représente le “visage de la République”. La République, qui n’est qu’une “bataille de chaque jour et qui “n’est jamais acquise”.
Plus récemment, un débat a resurgi : Marianne a-t-elle toujours été blanche? En réalité, non. En effet, le buste de la Marianne noire apparaît en 1848 afin de célébrer l’abolition de l’esclavage ainsi que les valeurs de la seconde république. Inaugurée dix jours avant l’abolition, la Marianne noire sera tuée symboliquement par le régime de Vichy. Cependant, des recherches ont révélé les secrets de son origine. En 1848, les francs maçons de Toulouse commandent une sculpture aux traits africains pour représenter la France et la liberté. La sculpture est inaugurée en 1848. Mais, quelques mois plus tard, cette Marianne est interdite. Elle est alors déplacée dans le musée maçonnique de Toulouse jusqu’en 1941 où elle sera mutilée par le régime de Vichy. À ce jour, elle trône dans le musée de la résistance de Toulouse.
La devise : Liberté, Égalité, Fraternité
Les notions de liberté, d’égalité et de fraternité n’ont pas été inventées par la Révolution. Toutefois, il faut attendre la Révolution française pour les voir réunies en triptyque. Robespierre proposait déjà en 1790 que les mots “Le Peuple Français” et “Liberté, Égalité, Fraternité” soient inscrits sur les uniformes et sur les drapeaux. Cependant, son projet n’est pas adopté. C’est à partir de 1793 que les Parisiens, rapidement imités par les habitants des autres villes, peignent les façades de leurs maisons de cette inscription : “Unité, indivisibilité de la République ; liberté, égalité ou la mort”. Bien sûr, la dernière partie de la phrase fut effacée rapidement. Toutefois, la devise disparaît sous l’Empire pour ensuite faire son retour lors de la Révolution de 1848 comme un principe de la République, inscrit dans la Constitution. Malgré son effacement lors du Second Empire, elle finit par s’imposer sous la IIIème République. Ainsi, la devise est inscrite sur le fronton des édifices publics le 14 juillet 1880. Elle figure dans les constitutions de 1946 et 1958 et fait aujourd’hui partie intégrante du patrimoine national français.
Le coq
L’association du coq et de la France est née d’un jeu de mot. En effet, le mot latin gallus signifie à la fois “gaulois” et “coq”. C’est la raison pour laquelle la silhouette apparaît sur les monnaies gauloises dès l’Antiquité. C’est à la Renaissance que l’animal s’immisce dans les représentations du roi de France. Au moment de la Révolution Française, une commission de conseillers d’État propose à Napoléon Ier de l’adopter comme symbole national. Toutefois, l’Empereur refuse : “Le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France”. Malgré cela, l’animal reprend sa place une première fois en 1830 et officiellement lors de la Seconde République, où il se trouve sur son sceau, gravé sur le gouvernail que tient la liberté assise. Malgré le dédain éprouvé par Napoléon III, le coq connaît son heure de gloire sous la IIIème République qui affiche de nouveau sur son sceau et ses pièces d’or, un coq aux ailes déployées et à la crête fière. Aujourd’hui, et hormis la prédominance de Marianne, le coq demeure l’emblème de la France aux yeux du monde et notamment lors des affrontements sportifs.
Le faisceau de licteur
Les faisceaux sont constitués par l’assemblage de branches longues et fines liées autour d’une hache par des lanières. Les faisceaux sont recouverts d’un bouclier sur lequel sont gravées les initiales RF (République française). Des branches de chêne et d’olivier entourent le motif. Le chêne symbolise la justice et l’olivier, la paix.
Dans la Rome antique, ces faisceaux étaient portés par des licteurs, officiers au service des magistrats dont ils exécutaient les sentences. Cependant, la révolution française réinterprète ce symbole : le faisceau représente désormais l’union et la force des citoyens français réunis pour défendre la Liberté. À ce titre, l’Assemblée constituante impose en 1790 ses “Antiques faisceaux” comme nouvel emblème de la France. À la chute de la Monarchie, le faisceau de licteur devient un des symboles de la République française “une et indivisible”, tel un faisceau. En parallèle, la naissance et le développement de l’Organisation des Nations Unies renforce le besoin de symboliser la République française par un emblème. En 1953, une commission se réunit au Ministère des Affaires étrangères pour définir l’emblème de la France qui devra figurer dans la salle de l’Assemblée des Nations-Unies à New-York. La commission adopte le projet de l’artiste Robert Louis qui s’énonce ainsi : “d’azur au faisceau de licteur posé en pal, sur deux branches de chêne et d’olivier, passées en sautoir, le tout d’or, lié par un ruban du même, chargé de la devise en lettres de sable Liberté-Egalité-Fraternité”.
Le faisceau de licteur est donc un emblème très souvent utilisé pour représenter la République française, même s’il n’a aujourd’hui aucun caractère officiel.
Le sceau
Marques distinctives et signes d’autorité, les sceaux furent employés durant des siècles par les particuliers comme instances de pouvoir civil ou religieux. L’usage du sceau n’est guère en vigueur aujourd’hui qu’en de rares occasions de solennité particulière, notamment la signature de la Constitution ou ses modifications. Le sceau de la IIème République, encore utilisé aujourd’hui, fut défini par un arrêté du 8 septembre 1848. S’y trouve une femme assise, la Liberté, tenant de la main droite un faisceau de licteur et de la main gauche un gouvernail sur lequel figure un coq gaulois, la patte sur un globe. Une urne portant les initiales SU rappelle l’instauration du suffrage universel direct en 1848. Aux pieds de la Liberté se trouvent des attributs des beaux-arts et de l’agriculture. Le sceau comporte l’inscription “République française démocratique une et indivisible” et deux formules au dos, “Au nom du peuple français” et « Égalité, fraternité”. Les IIIème, IVème et Vème Républiques reprirent ce sceau. Depuis 1958, la Constitution et certaines des lois constitutionnelles qui la modifiaient firent l’objet d’une mise en forme solennelle, avec sceau de cire jaune pendant sur un ruban de soie tricolore. À ce jour, la presse servant à imprimer le sceau dans la cire est conservée dans le bureau du ministre de la Justice qui porte toujours le titre de “garde des sceaux”.
La fête nationale : le 14 juillet
Pour finir… Le 14 juillet ! La force symbolique du 14 juillet 1789 réside avant tout dans sa réception par la postérité bien plus que dans la prise de la Bastille en soi. En effet, l’imagination populaire s’est emparée de la Bastille, qu’elle identifie comme symbole d’absolutisme royal et d’arbitraire en matière de justice. Le lendemain de l’évènement, Louis XVI désigne La Fayette commandant de la garde parisienne. Un an plus tard, à l’occasion du premier anniversaire de la prise de la Bastille, ce dernier expose la volonté de vouloir organiser une fête nationale de la Fédération. Sa proposition est acceptée par l’Assemblée, qui voit au travers de cette commémoration du 14 juillet l’occasion de célébrer l’unité de tous les Français. Toutefois, la fête de la Fédération suivante, en 1791, change la symbolique de ce jour. Puisqu’en effet, les événements du printemps, la fuite à Varennes notamment, instaurent un tel climat de défiance que l’assemblée refuse de participer. C’est pourquoi les régimes politiques suivants délaissèrent le 14 juillet. Même la Seconde République n’osa pas reprendre la date, lui préférant le 22 septembre. Cependant, l’enracinement de la République exigeait rapidement la mise en place de symboles, de rituels et de pratiques collectives. À ce moment, les événements révolutionnaires se transforment en mythes fondateurs, qui construisent une continuité historique avec la troisième République naissante. L’esprit de 1789 s’impose alors comme le plus à même de fédérer les Français. Alors, quelle date? Le serment du Jeu de Paume par le Tiers État? L’ouverture des États généraux? La nuit de l’abolition des privilèges? La date de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen? Finalement, le 14 juillet s’impose dans les débats. À la faveur des écrits de Victor Hugo notamment, la mémoire collective s’est emparée de ce jour historique qu’elle a élevé en événement fondateur, victoire du peuple sur l’arbitraire royal. Le 21 mai 1880, un député de Paris, Benjamin Raspail, dépose un projet de loi adopté par la chambre des députés le 8 juin, puis par le Sénat le 29 du même mois. La loi est promulguée le 6 juillet, quelques jours avant la première célébration. C’est donc sous la IIIème République que la loi du 6 juillet 1880 est adoptée et que le 14 juillet devient jour de fête nationale annuelle.
Chaque fête nationale est l’occasion de répondre aux défis politiques de son temps. Par exemple, lors des 14 juillet 1958 et 1959, Charles de Gaulle entend montrer que le rapprochement de la France avec les États-Unis ne lui a fait perdre ni son identité ni son indépendance. Pour manifester la puissance militaire française, les armes lourdes prennent donc part au défilé. De même, le 14 juillet 1994, l’Eurocorps participe au défilé de la fête nationale française sur les Champs-Élysées à Paris. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des soldats allemands défilent en France, signe de la réconciliation franco-allemande sous l’égide européenne, etc.
Sur ce bref rappel historique… Joyeuse fête nationale !
Camille Debaud